Et si derrière le sujet omniprésent du télétravail, c’était la question du sens donné au Management qui était posée ? Derrière la perte de repères des salariés, la question du Leadership ?

Et si finalement derrière cette crise, n’est-ce pas la question de la raison d’être de l’entreprise et de la façon dont le dirigeant l’incarne ?

Pourtant le dirigeant ne doit pas être le seul en première ligne. Cette période exceptionnelle est un révélateur de fragilités et d’opportunités pour chacun. Elle requière authenticité, vérité et exemplarité. Comment intégrer ces dimensions en tant que dirigeant ? Comment s’assurer que ses équipes se les approprient ?

Après un temps court centré logiquement sur la mise en place d’une organisation exceptionnelle, n’est-il pas temps de se concentrer sur la partie immergée de l’iceberg ? Ces causes profondes qui sont autant d’opportunités de changer nos modes de penser et nos organisations. N’est-ce pas la meilleure façon de construire le futur et de s’éloigner de cette incertitude qui nous pèse ?

Fondateur de la société de conseil REVENTIS, ma mission est d’accompagner les dirigeants afin d’identifier les leviers favorisant l’engagement de leurs salariés, en particuliers dans des contextes sensibles. L’approche vise avant tout à rompre la solitude du dirigeant et de favoriser la remise en question de ses certitudes afin d’ajuster au mieux sa stratégie.

Je propose de partager avec vous le fruit de multiples échanges ces dernières semaines, avec des Managers et dirigeants, de divers secteurs d’activités et tailles d’entreprises.

Comme eux, vous entrez dans une phase de temps long subit. Bien exploitée, elle générera 2 bénéfices directs : augmenter l’engagement des collaborateurs et renforcer votre leadership ainsi que celui de vos Managers. Non exploitée, vous passerez à côté de l’opportunité exceptionnelle de libérer le potentiel de vos équipes, de (re)questionner fondamentalement votre posture, vos modes de fonctionnement, et ainsi vous risquerez de mettre à mal votre légitimité.

Télétravail. Ce mot est dans la bouche de tous, dirigeants, collaborateurs, « experts », politiques. Comme si c’était le moyen miracle qui allait permettre aux entreprises de passer ce cap. N’est-ce pas la partie émergée de cet iceberg ? Attardons-nous quelques instants sur la posture de leader dans un temps de télétravail imposé.

De la question du télétravail à votre posture de Leader

Le contexte de ce long confinement va engendrer une baisse progressive de l’activité des salariés en télétravail, une distanciation sociale (réflexe du repli sur soi face à l’incertitude) et ainsi une solitude auxquelles sont déjà exposés les salariés en chômage partiel. Dans ce contexte, l’enjeu fondamental pour le dirigeant et ses Managers n’est pas tant la question des modalités du télétravail (fréquence des réunions, mode de communication) mais surtout la question du sens qu’il veut mettre dans le management des salariés au quotidien. Derrière les tâtonnements dans la mise en place du télétravail, n’est-ce pas la question de la posture et du sens managérial qui est derrière ? Trop fréquemment, la question du travail à distance est réduite à ses aspects organisationnels. Mais c’est avant tout la posture du Manager, le sens qu’il va mettre à sa mission qui est une priorité. C’est ainsi qu’il facilitera l’adhésion et la cohésion de ses équipes.

Le sens, dans le management, consiste à identifier les actions et objectifs qui vont favoriser l’autonomie et la responsabilisation du salarié, tout en favorisant son engagement dans le projet d’entreprise (principe de « L’Empowerment »). Ainsi, n’est-ce pas l’opportunité de mettre en place ce dispositif gagnant-gagnant visant à faire confiance à vos salariés, à libérer leur potentiel ?

Par conséquence, cette phase offre une opportunité au dirigeant de requestionner ses habitudes et ses croyances : qu’attend-il de ses équipes ? Comment favoriser la cohésion dans ce climat ? Est-il crédible dans à travers ce management à distance ? A quoi veut-il que son équipe ressemble à la fin du confinement ? Comment assurer l’équilibre entre les émotions et les changements en cours et à venir ? Autant de questions qui convergent vers la notion de sens. C’est seulement après y avoir répondu que se posera la question des modalités de pilotage. Elles déclineront ainsi logiquement de ce sens que le dirigeant souhaite donner à son management.

Le leadership face à la perte de repères

Vos salariés vivent, avec des rythmes et intensités différentes, un choc, et pour certains un traumatisme synonyme de perte de repères. A situation exceptionnelle, la posture managériale doit être en conséquence à la hauteur. Le confinement met à mal 2 besoins vitaux d’un individu : le besoin de reconnaissance et d’appartenance. Ainsi, la posture du Manager doit rapidement muer vers celle de leader. Un leader est celui qui inspire, qui est authentique et qui est à même de porter. Nombre de responsables, de Managers organisent le management à distance de la même façon qu’en temps normal (contenu des réunions, objectifs, mode de communication, posture, demande de reporting).

Comment peut-on imposer le même cadre managérial dans ce contexte de perte de repères à des salariés, qui pour 75% d’entre eux en France, n’ont jamais travaillé à distance ? Par ailleurs, des salariés qui subissent une distanciation sociale, une réduction de salaire et un risque de perdre leur poste. Le cadre de management à distance doit être rapidement revu et adapté. Il doit favoriser les échanges, les réflexions et travaux qui vont permettre au salarié de se sentir utile, contributeur et acteur du projet d’entreprise. Confronté à une situation de stress et de doutes (santé, économique), le salarié est pleinement conscient que chaque jour, il produit, agit, dans le cadre d’un avenir incertain. L’utilité et le sens de sa mission sont remis en question. Il devient ainsi indispensable de lui donner des tâches et objectifs différents de ce qu’il produit dans le cadre d’un environnement serein et stable. Ce qui le maintiendra motivé, c’est la capacité du Manager à le rendre acteur d’initiatives, de projets ayant une utilité tangible à court terme et des perspectives concrètes de bénéfices pour lui et l’entreprise. Une manière de continuer à le solliciter intellectuellement ou de manière pragmatique, à faire appel à son agilité tout en favorisant la transversalité et la communication avec les autres. Avec une finalité : continuer à se développer avec et par les autres.

Fort de cette posture de leader et d’un sens donné dans sa pratique au quotidien, le Manager/Leader disposera des atouts pour maintenir la motivation et l’engagement des collaborateurs.

Comment avez-vous organisé et adapté le management à distance de vos équipes ?   

L’exigence de chacun

Le management doit s’adapter mais cela n’enlève en rien la nécessité de maintenir une exigence vis-à-vis des salariés. Tous, nous subissons cette crise. L’Etat et l’entreprise se mobilisent de manière exceptionnelle. Les dirigeants et managers sont en première ligne avec détermination malgré le choc qu’ils vivent eux-mêmes.

Surtout, ne dévalorisons pas chaque action qui contribue à protéger les salariés. Le non-recours au chômage partiel, la prime Macron, toutes les solutions facilitatrices trouvées quotidiennement par les dirigeants pour rendre le plus indolores possibles les impacts de la crise ont une valeur forte.

Le leader doit intégrer la notion de « contrepartie ». Il sait exprimer clairement qu’elles sont ses attentes de la part des salariés en contrepartie de ce qui est mobilisé comme moyens ou ressources afin de faciliter son quotidien. C’est ce qui contribue à la responsabilisation du salarié.

Attention, sous couvert d’urgence et d’émotion, à ne pas tomber dans le piège de la déresponsabilisation voire de l’infantilisation (en réduisant par exemple le management à la question du télétravail). La prise de recul et la lucidité sont deux composantes clés du leadership.

Quel niveau d’engagement, de mobilisation attendez vous de vos équipes suite à vos annonces d’accompagnement ?

Votre exemplarité

Un temps long et une crise sans précédent à dimension certes sanitaire et économique, mais vraisemblablement à teneur identitaire et sociétale. La génération actuelle questionne et se questionne. Ce contexte est propice à une accélération et à des révélations. Pourquoi finalement je fais ce job ? Pour quoi je le fais ? Comment mon employeur me traite, me considère durant cette crise ? Pourquoi ne se mobilise-t-elle pas comme d’autres ? Mais y-a-t-il un pilote dans l’avion ?

La solitude couplée au temps long et à l’effritement du sentiment d’appartenance remet en causes des certitudes, des croyances. Lorsque ce confinement se déroule dans des conditions acceptables (matérielles, psychologiques, familiales), ces interrogations peuvent être constructives. Dans le cas inverse, cette période devient une menace pour le salarié et par ricochet, pour son entreprise.

Au-delà de vos salariés, toutes les parties prenantes sont très vigilantes à la qualité et la pertinence de la communication d’entreprise (informations régulières sur le niveau d’activité, les mesures mises en place et les perspectives). Mais cela reste la partie émergée de l’iceberg.

Cette partie immergée est illustrée par le fait que les salariés vont plus loin. Ils observent, échangent et deviennent de plus en plus exigeants et attentifs à la notion de « raison d’être ». Des groupes qui prennent à leur charge le coût du chômage partiel, d’autres qui modifient leur outil de production pour produire des masques. Et vous ? Quelle action avez-vous engagée ? Comment la raison d’être de votre entreprise, ses valeurs, deviennent un motif de fierté et d’appartenance en temps de crise ? Comment en faire des fondements de cette entreprise post crise ? Le traumatisme du COVID-19 réactive profondément le besoin de sécurité, de réassurance, de se recentrer sur l’essentiel, le sens, les valeurs. Dans sa vie personnelle mais aussi professionnel.

Cette notion d’exemplarité est valable aussi bien sur les questions de management, de respect des individus que sur le sens et les valeurs qui sont véhiculés par les dirigeants eux-mêmes.

Votre prise de recul

Dans ce cadre, les dirigeants doivent nécessairement prendre du recul et de la hauteur afin de comprendre, appréhender et prendre des décisions de manière lucide et déterminée. Plus encore, questionner leur mode de fonctionnement, leur façon de penser et leurs croyances car cette crise marque la fin de nombreuses certitudes : macroéconomique (aviez-vous prédit une telle crise sanitaire ?), organisationnelle (avez-vous un PCA adapté ?), managériale et relationnelle (aviez-vous conscience de la place à donner à l’authenticité ? à la gestion subtile de l’équilibre entre émotion et management ?)

Pour cela, exploiter ce temps long de manière structurée est indispensable et peut se faire en 3 étapes :

1.      Introspective : quelles prises de conscience peuvent émerger de cette situation ? quels enseignements en tirer ? quels changements possibles dans ma posture de leader et pour mon organisation ?

S’appuyer pour cela sur l’effet miroir du coach. Revalider voire réécrire le sens, la vision, l’ambition du projet d’entreprise intégrant les enseignements de cette période.

2.     Révélatrice : beaucoup évoquent un futur différent, des personnalités qui se révèlent…Comment observer, analyser les changements d’attitudes, de comportements, les élans de solidarité et les déceptions dans ses équipes ? Comment intégrer ses enseignements dans la stratégie ?

Avant tout, attention à ne pas juger ni arbitrer trop tôt. Certains ont besoin d’un temps de digestion avant de se mobiliser. Il est nécessaire de structurer sa démarche en prenant le temps d’observer les collaborateurs, les potentiels, les déceptions.

S’appuyer pour cela sur une qualité d’écoute et d’observation actives tout en ayant constamment le souci de la montée en compétences, de l’autonomie surtout en période sensible. C’est ce qui fera que le salarié restera amarré.

3.     Prospective : comment préparer le retour ? Comment préparer la mise en œuvre de ces prises de conscience et de ces révélations ? Comment assurer l’engagement sans provoquer un contre choc ? Comment impulser et incarner les changements ?

Solliciter l’avis de ses équipes (approche « Bottom-Up ») afin qu’elles initient et contribuent au pilotage de sujets structurant pour chacun et pour l’entreprise (amélioration d’un process, réflexion sur une nouvelle offre…). Favoriser les processus émergents. Pour définir la stratégie de sortie, établir des prévisions selon le degré d’incertitude (probable, possible, improbable) et construire des scénarios (identifier préalablement les variables pivot, à savoir les facteurs susceptibles d’affecter significativement votre marché).

Cette prise de recul du dirigeant est déterminante. Car en effectuant cette démarche vous serez en mesure de décliner cette notion de sens donnée au projet d’entreprise et donc au management, comme évoqué précédemment.

Les facteurs qui feront que les salariés sont engagés sont l’autonomie et le fait de se sentir utile, plus encore acteur et contributeur du projet d’entreprise. Les travaux des sociologues Kiesler, Joule et Beauvois dans les années 80 et 90 et plus récemment du Prix Nobel d’économie 2017 Richard Thaler, illustrent pleinement la corrélation croissante entre le besoin d’utilité, la performance et l’épanouissement des individus.

Vous disposez d’une opportunité exceptionnelle durant ces prochains jours pour sortir grandi collectivement de cette crise.

Je souhaite que cette note ait généré doutes et questionnements quant à votre vision des prochaines semaines.

Bien cordialement